Workshop «Pour l’élaboration d’une politique de Service Universel des télécommunications en Tunisie»

| Agrandir Réduire

29 Janvier 2015

L’INT a organisé le lundi 26 janvier 2015 au Technopark El Gazala, un workshop sur l’élaboration d’une politique de Service Universel des télécommunications en Tunisie.

Cet atelier a réuni plus de cent participants représentant les parties prenantes du secteur des télécommunications en Tunisie ainsi que des représentants des régulateurs de plusieurs pays tels que le Maroc, l’Autriche, l’Italie, l’Espagne, la France  et les Etats-Unis.

Cette rencontre se veut un cadre de partage d’expériences, de visions et d’avis à propos du service universel. Par le biais de ce workshop, l’Instance Nationale des Télécommunications a voulu faire participer toutes les parties prenantes impliquées en vue d’alimenter la réflexion collective et de s’accorder autour de ce sujet au bénéfice de l’élaboration d’une stratégie nationale pour la mise en œuvre du service universel pour le développement du secteur des télécommunications en Tunisie.

M. Hichem Besbes le président de l’INT s’est adressé aux participants à l’ouverture de ce workshop, en souhaitant la bienvenue à tous les participants et en soulignant l’importance de cet événement dans le développement du secteur des télécommunications. Il a également insisté sur le fait que l’adoption d’une stratégie pour l’implémentation du service universel ne doit plus tarder et qu’il faut déployer les efforts nécessaires pour garantir le succès de sa mise en œuvre.

Il a également brièvement redéfini les objectifs spécifiques du workshop en énumérant les principales préoccupations à examiner par les participants et les différentes interventions  telles que présentées dans le programme.

La première session du workshop, modérée par M. Ali Ghodbani,  a débuté avec un état des lieux technico-règlementaire présenté par Mlle Sihem Trabelsi directeur de l’accès mobile et des études stratégiques à l’INT. Mlle Trabelsi a présenté dans son intervention les principaux points relatifs au concept du service universel, au calcul des coûts et a énuméré des exemples sur la portée des fonds de service universel en terme technologique par région via l’étude effectuée par GSMA sur 64 fonds octroyés au service universel dans le monde. Elle a ensuite détaillé les différents aspects du cadre réglementaire tunisien relatif au service universel ainsi que ses principales caractéristiques. Mlle Trabelsi a clôturé son intervention par l’exposition d’un état des lieux de la couverture 2G et 3G et les zones blanches en Tunisie.

La présentation de l’expérience européenne faite par M. Francesco Sciacchitano a fait référence aux dispositions de la directive européenne relative aux aspects et aux obligations du service universel. Le représentant de l’EMERG a mis l’accent sur  les différents aspects de la mise en œuvre du service universel, il a entre autres donné un descriptif à propos des approches européenne et non européenne relatives au service universel en termes d’obligations, de la méthode de calcul du coût net et la détermination de la « charge injustifiée » (unfair burden assessment), du financement, de compensation et de la méthode de gestion du fond.

Dr. Dieter Staudacher a offert un aperçu exhaustif sur l’expérience autrichienne par rapport aux obligations et critères relatifs à l’implémentation du service universel. Il a également énuméré les différents points d’intervention du régulateur autrichien et son rôle indispensable par rapport à la sélection du fournisseur de service universel, au financement, à la compensation et à la méthode de gestion du fond.

M. Vincenzo Lobianco a mis en avant dans sa présentation sur les spécificités du déploiement du service universel en Italie, les caractéristiques du cadre réglementaire, les procédures et les critères de sélection du fournisseur du service universel, les méthodes de financement et les modalités de gestion du fond.

L’expérience Espagnole a été présentée par M. Joaquin Osa, il a souligné les raisons qui ont incité le gouvernement à mettre en œuvre le service universel en expliquant que « le service universel est ce qui reste de la notion de service public lorsque le marché est libéralisé ». Il a énuméré les étapes de désignation du fournisseur, les étapes de financement et les difficultés rencontrés lors du démarrage de l’implémentation.

La deuxième session du workshop, modérée par M. Mohsen jaziri, a débuté avec la présentation de M. Idrissi Aatouf sur la stratégie de mise en œuvre du service universel au Maroc. M. Aatouf a expliqué dans son intervention que la notion du service universel a été introduite pour la première fois avec la libéralisation du secteur, ceci dit un nouveau cadre règlementaire plus détaillé et plus élargi a été adopté en 2004 concernant la stratégie de la mise en œuvre du service universel. M. Aatouf a expliqué la notion de «Pay or Play», le rôle et la mission du comité chargé de la gestion du service universel des télécommunications qui est un comité interministériel institué auprès du chef du gouvernement et qui est composé du Ministère de l’Intérieur, du ministère de l’Aménagement du territoire, du ministère des Finances, du ministère des Télécommunications, du ministère de la Défense nationale, du président du comité de gestion de l’ANRT et du Directeur Général de l’ANRT.

Il a également mis l’accent sur les priorités qui ont été préconisé lors de l’implémentation du service universel et le programme PACTE qui « décline la stratégie en vue de la généralisation de l’accès aux télécommunications à toutes les régions habitées du Maroc ».  Il est important de noter que le déploiement du service universel au Maroc s’est focalisé sur plusieurs axes et notamment les localités dans les zones blanches, les provinces et les communes rurales pour offrir de la téléphonie publique, des centres d’accès communautaires dédiés aux TIC et l’expansion des réseaux à large bande pour desservir les écoles, les dispensaires et les autres établissements pivots.

M. Kelly Cameron, a présenté l’expérience Américaine et a expliqué que le service universel a été une mesure nécessaire pour favoriser le développement de l’industrie des télécommunications dans la mesure où l’accroissement du déploiement du service en question a stimulé le développement économique et ainsi la cohésion sociale.

M. Cameron a précisé que le cas des Etats-Unis est spécial vu qu’ils ont entamé la mise œuvre du service universel depuis très longtemps et que l’état actuel de l’économie tunisienne est comparable avec celle américaine d’il y a un siècle, le service universel dans son état actuel aux Etats-Unis s’occupe d’assurer l’accès à l’haut débit à tous les américains. Conséquemment, M. Cameron recommande que les procédures à entreprendre en vue d’implémenter le service universel ne peuvent pas être les mêmes pour les deux pays et ce par rapport aux conditions de déploiement, aux moyens de financement, aux modalités de subventionnement et à la définition des priorités. Il a également présenté le cadre règlementaire qui a été révisé en 1996 pour permettre l’évolution du déploiement « le service universel est un ensemble de services de télécommunications d’un niveau évolutif et qui doit être périodiquement défini par le régulateur ». Par ailleurs, il est important de préciser que les services qui ont été favorisés aux USA sont ceux en rapport avec l’éducation, la santé publique et la sécurité.

M. Jean François Gauthier a présenté l’expérience française, il a mentionné que la directive européenne relative au service universel a été définie pour fournir l’accès à un ensemble minimal de prestations et principalement l’accès au service téléphonique, la fourniture d’annuaire, et la publiphonie, avec des tarifs sociaux pour le service téléphonique tout en tenant compte des spécificités liées à l’accès à ces services pour les handicapés. M. Gauthier a détaillé les caractéristiques de ces trois composantes et a également souligné les attributs des tarifs des prestations du service universel et le rôle de l’ARCEP dans le contrôle de la tarification. Il a également mis l’accent sur la méthode de sélection des prestataires de service universel et l’évaluation du coût net du service universel et son financement.

En effet, la méthode de calcul du coût est établie par l’ARCEP après le lancement d’une consultation publique et évaluation ; le coût net total est égal au coût net de l’obligation duquel sont soustraits les avantages induits par le statut de prestataire dont l’ubiquité, le cycle de vie, la connaissance du marché et l’image de marque. M. Gauthier a ensuite détaillé la méthode d’évaluation du coût des différentes composantes du service universel ainsi que la méthode d’évaluation des avantages immatériels et la notion de la charge excessive.

Plusieurs questions ont été posées à la fin de chacune des deux sessions dont notamment celle de M. Mohsen Jaziri qui a été adressée à Mlle Sihem Trabelsi à propos de l’article 90 du code de télécommunications qui stipule que la Société Nationale des Télécommunications à la charge de la fourniture des services de base des télécommunications. M. Jaziri s’est interrogé sur le rôle de l’INT dans la gestion de la question d’indemnité compensatrice puisque l’opérateur a réalisé des projets dans ce sens. Mlle Trabelsi a précisé qu’effectivement l’INT a été sollicitée pour résoudre cette question et que des pourparlers avec le ministère et l’opérateur sont en cours.

La troisième session a été caractérisée par les présentations des opérateurs et des équipementiers. En effet, cette session a débuté avec l’intervention de M. Jamel Sakka de Tunisie Télécom qui a détaillé la situation actuelle en termes d’accès voix pour les zones rurales desservies par des technologies telles que TRT ou SRT ou encore le réseau GSM à mobilité réduite. Il a également mis en avant les besoins dits prévisibles afin de vulgariser l’accès internet dans ces zones en intégrant la technologie MSAN ou en déployant des réseaux 3G/4G. M. Sakka a présenté un plan d’action triennal décrivant les projets à venir, ensuite il a exposé l’exemple du projet de la desserte de la zone Borj Khadra qui a été réalisé. M. Sakka a conclu en expliquant qu’il faudra bien définir le service universel en termes de besoins, établir un business plan pour le généraliser et spécifier les conditions de son financement.

Mme Lynne Dorward a présenté la vision d’Ooredoo en ce qui concerne la mise en œuvre d’un fond de service universel en Tunisie. Mme Lynne s’est basée sur l’étude globale des Fonds de Service Universel élaborée par l’UIT en 2013 pour montrer la performance mondiale actuelle à propos des FSU, en expliquant que la plupart des FSU aiguillonnent généralement le déploiement des services de base et que peu de fonds sont actifs. Elle a ensuite mis en exergue les composantes les plus pertinentes qui doivent être prises en considération dans la gestion des FSU et les défis rencontrés tels que le « cadre réglementaire, les problèmes liés à l’adaptation à l'évolution des besoins et des priorités, la corrélation entre les taxes au titre du FSU et la demande, la définition de la stratégie et des objectifs des fonds de service universel, les problèmes liés à la gestion, à l'exploitation et aux capacités, la question de transparence, visibilité et responsabilité en ce qui concerne l'établissement de rapports sur les FSU et les contraintes liées à la surveillance et la gouvernance ». Mme Lynne a proposé que le modèle de FSU à adopter soit indépendant et autonome et a dressé une liste de ces fonds classés par niveau de pertinence. Elle a ensuite détaillé le cadre réglementaire tunisien et s’est interrogée entre autres sur la définition des besoins spécifiques, le principe de la neutralité technologique et sur la possibilité de modifier la liste des services sans avoir recours à l’émission d’un nouvel arrêté. Mme Lynne a conclu en insistant sur le fait qu’il faut tenir en compte le caractère évolutif des FSU, d’où le modèle de fonctionnement qui sera adopté doit nécessairement tolérer une certaine marge de manœuvre.

M. Mohamed Taâmalah a présenté le point de vue d’Orange Tunisie quant au déploiement du service universel en Tunisie. Tout comme Mme Lynne, il a parlé des fonds inactifs ou peu fonctionnels. Il a également expliqué que le service universel est généralement attribué à l’opérateur historique, et dans plusieurs cas ceci n’est pas la solution idéale étant donné qu’il en résulte un manque d’engagement et mène à du volontarisme pour l’achèvement des objectifs du service universel, l’ouverture à la concurrence serait donc une bonne solution pour aboutir aux résultats visés. M. Taâmalah a présenté les conditions requises pour la réussite de la mise en œuvre du Service universel en Tunisie, il a par ailleurs parlé d’un cadre juridique caractérisé par la flexibilité et par la neutralité technologique, qui comprend tous les services et qui autorise « l’ajustement des mécanismes d’alimentation du fonds en fonction des besoins récentes ». Il a également mis l’accent sur la structure qui sera dédiée à la gestion du fond en précisant qu’elle doit être indépendante, autonome et transparente.

M. Patrick Lohat a donné le point de vue de Huawei, il a expliqué qu’un potentiel énorme réside dans le marché de la large bande dans les zones rurales. En fait, améliorer l’infrastructure télécom, aura un impact significatif sur le développement économique. Ceci dit, des solutions à bas prix sont à envisager à cause de la faible densité et des difficultés liées aux conditions difficiles de déploiement dans les zones rurales et suburbaines. La solution la plus adéquate selon Huawei est le déploiement d’un réseau sans fil et il a donné des propositions pour le choix de la technologie à adopter. Des exemples tels que le déploiement de la LTE 450, LTE DD800, ou bien l’UMTS 900 avec plusieurs possibilités pour l’alimentation de réseaux comme l’énergie solaire par exemple. Le partage de l’infrastructure a été un point capital dans la présentation de M. Lohat dans la mesure où il permettrait de partager les coûts entre les opérateurs afin de couvrir les zones rurales. M. Lohat a présenté par ailleurs le cas de l’Espagne dans ce contexte.

M. Zied Malouche a donné un aperçu sur ce qu’un équipementier tel qu’Ericsson peut ajouter pour enrichir la mise en œuvre du service universel via les solutions 2G, 3G et LTE en impliquant l’opérateur, l’équipementier et la communauté locale. Il a également présenté des modèles à bas coût qui peuvent être une solution pour la couverture large bande. Les principaux critères de base de l’équipementier pour la couverture des zones rurales et suburbaines selon M. Malouche sont d’ordre social, environnemental et économique.

M. Faycel Haffoudhi, a présenté le point de vue d’Alcatel Lucent Tunisie, d’après lui il faut penser internet et le vrai défi est de trouver les moyens de déployer des réseaux via des technologies efficaces et performantes avec le meilleur rapport qualité prix afin de désenclaver les régions en question vu que l’internet peut être un enjeu primordial pour elles.

Consciente que le déploiement du service universel sur l’ensemble du territoire tunisien est un enjeu majeur, en particulier pour les zones rurales vu que c’est un levier pour le développement social et économique, l’INT insiste sur le fait qu’il est très urgent que toutes les parties prenantes se rallient et déploient tous les moyens et les efforts nécessaires pour mettre en œuvre ce chantier. Il est important de noter qu’en Finlande par exemple le service universel est déjà passé au très haut débit ce qui démontre le grand retard enregistré de la mise en place du service universel en Tunisie.

Dans cette perspective, définir une stratégie qui permettra à tous les tunisiens sur tout le territoire de bénéficier des possibilités inépuisables offertes par le numérique, constitue une priorité en termes d’accès et surtout en termes d’inclusion sociale et économique.

La prise de conscience par toutes les parties prenantes que le service universel n’est pas uniquement une question de détection de zones blanches ni de couverture et que le concept de l’inclusion numérique est devenu une obligation afin de résorber la fracture numérique et réduire ainsi la fracture territoriale, laisse espérer que la mise en œuvre de ce service ne saurait tarder. 

 

Présentations:

1ère Session

2ème Session

3ème Session